”Vivre dans une telle solitude, nous n’y sommes pas habitués quand nous venons du Congo”

La Belgique, je ne la connaissais que l’été, sous le soleil. Lorsque je rédigeais ma thèse de doctorat en Philosophie à l’Université Catholique du Congo sur le philosophe russe Nicolas Berdiaeff, j’ai pu profiter de mes vacances pour venir approfondir mes recherches ici, à Louvain-la-Neuve.

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Originaire du Kongo Central, Jean Tshingola a rejoint Bruxelles le 26 septembre dernier. “Je suis prêtre depuis 29 ans. Je fus curé de la Cathédrale de Matadi pendant 10 ans et demi. Après ce mandat, j’ai souhaité vivre une autre expérience pastorale en terre européenne comme ‘prêtre fidei donum’. J’en ai parlé à mon Evêque qui, avec l’accord de l’Evêque de Liège, Mgr Jean-Pierre Delville, m’a permis de rejoindre la Belgique pour quatre ans.

”Même votre premier voisin de la rue, vous ne le connaissez pas”

Depuis septembre, Jean Tshingola vit à Celles, dans la commune de Faimes, en face de l’église Sainte Madelberte. “Ici, je vis seul au presbytère, et c’est vrai que c’est un gros changement par rapport à ce que j’ai connu. Vivre dans une telle solitude, nous n’y sommes pas habitués quand nous venons du Congo. Et certains prêtres peuvent craquer, je le comprends. Au Congo, nous vivons à plusieurs prêtres. Et, dans nos paroisses, nous ne sommes pas uniquement curés : nous rendons des services administratifs, nous sommes le CPAS parfois, psychologue-médecin quand il le faut, etc. Nous sommes en contact permanent avec les fidèles et les personnes du quartier. Ici en Belgique, je me suis senti accueilli comme un frère humain. Tout de suite, les autorités ecclésiastiques de Liège m’ont rencontré pour me souhaiter la bienvenue. Elles m’ont mis en contact avec tous les services diocésains (les vicariats) pour la découverte du diocèse et mon intégration. Un tel accueil, c’est incommensurable. Très sympathiques, les paroissiens de notre Unité pastorale Notre-Dame Des Blés d’Or m’aident aussi beaucoup. Car, je ne pourrai passer mon permis théorique qu’en avril. Ils se sont magnifiquement organisés pour m’assurer le transport lorsque je dois dire la messe dans un autre village, quand j’ai une réunion ou une rencontre de prière que je ne peux rejoindre en bus. Il y a une vraie solidarité. Mais ce qui change avec le Congo, c’est que personne ne vient en permanence sonner au presbytère pour échanger des nouvelles, pour demander un conseil ou de l’aide. On rencontre les gens à la sortie de la messe, de la prière ou de la réunion, mais nous n’avons que très peu de contacts spontanés par ailleurs. Même votre premier voisin de la rue, vous ne le connaissez pas, ni ne le voyez. En Afrique, dans nos paroisses, nous avons également ‘du personnel’ commis à notre vie ordinaire (le repas, les courses, etc.). Mais, ici, vous devez faire tout vous-même. C’est un détail bénin, mais très important et significatif pour un prêtre primo-arrivant en Belgique ; c’est une nouvelle forme de vie qui change inexorablement son quotidien de prêtre.

”Où sont les jeunes ?”

Ce qui nous étonne aussi, nous les prêtres africains, c’est l’absence de jeunes à l’église, poursuit Jean Tshingola en pesant ses mots et en cherchant constamment ce qui est beau au-delà de ce qu’il constate. Je pense que c’est différent en ville, mais où sont-ils en campagne ? C’est un mystère : ils s’évaporent après les années de catéchisme. Parfois, je me demande ce que sera l’Eglise de demain. Même les scouts qui sont venus un dimanche ‘distribuer’de la soupe à la sortie d’une messe pendant la campagne de l’Avent 2023 sont restés en dehors de l’église. J’ai ensuite compris que les scouts en Belgique sont une organisation certainement ‘séculière’. Enfin, j’aimerais redire que je suis déjà très heureux ici en Belgique. C’est différent du Congo, mais je suis touché par l’accueil reçu, par les formations que l’on prend le soin de nous donner et qui sont de très bonne qualité. Je m’appuie sans cesse sur ma foi et mon expérience de prêtre. Et, il y a quelques semaines, j’ai enfin découvert ce que c’était que la neige. J’ai pu marcher dedans pour la première fois. Ça aussi, c’est incommensurable.

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